La Besnoitiose peut causer d’importantes pertes économiques, sans oublier le préjudice moral pour l’éleveur. Un jeune éleveur de bovins viande du sud Aveyron en a fait l’amère expérience seulement 4 ans après son installation. Il témoigne.
« Dans mon système type veau sous la mère, j’achète régulièrement des vaches pour renouveler le troupeau. C’est justement suite à un achat d’une dizaine d’animaux en mai-juin 2019 que j’ai introduit la Besnoitiose dans mon élevage. A cette époque, dans les prises de sang à l’achat, on ne recherchait pas cette maladie... J’en avais un peu entendu parler lors d’une réunion locale du GDS Aveyron mais j’avoue ne pas y avoir pensé à ce moment-là. Les animaux introduits ne présentant aucun symptôme, les analyses à l’introduction n’ayant rien révélé sur les autres maladies, je les ai mélangés dans mon troupeau... Dès le mois d’août, certaines vaches ont eu de grosses fièvres et deux d’entre elles sont mortes en l’espace de 15 jours ! Certaines ont perdu des lambeaux de peau... C’était très impressionnant», se souvient l’éleveur encore très marqué.
«La maladie s’est déclarée très vite par des symptômes (fortes fièvres, œdèmes, perte de poils sur la queue...) allant jusqu’à la mort d’animaux. J’avais 15 vaches malades sur un troupeau de 60 mères, avec des vaches en souffrance... Ça fait vraiment mal au cœur et on se sent démuni... J’ai sollicité mon vétérinaire qui a prescrit un traitement pour stopper les cas cliniques, un traitement assez coûteux... Fin août, j’ai contacté le GDS Aveyron pour identifier la maladie qui touchait mon troupeau et solliciter leur accompagnement technique et financier. A partir de là, une autopsie a été réalisée ainsi que des analyses, c’est là qu’on a identifié la Besnoitiose. Nous avons pu rapidement faire un état des lieux à travers des analyses sur l’ensemble de mes animaux, financées en partie grâce à la caisse coup dur pour pertes exceptionnelles du GDS Aveyron. En septembre, sur 45 vaches testées, 31 étaient positives à la Besnoitiose ! La maladie avait gagné du terrain en très peu de temps ! Réformer les vaches n’était pas prévu, surtout les plus jeunes davantage touchées. Et d’autant qu’à l’abattoir, elles étaient saisies partiellement ou en totalité ce qui me faisait perdre en valeur bouchère... C’était la double peine ! Mais je n’avais pas envie de vivre avec la maladie dans mon élevage ».
100% d’animaux positifs en 2 ans !
C’est à ce moment-là que l’éleveur a accepté d’intégrer le plan national Besnoitiose, à titre expérimental sur 4 ans. Ce plan soutenu par le Fonds de mutualisation des GDS, a été mis en place pour maîtriser la diffusion de la maladie à partir de la gestion de cas concrets. Dans le cadre du plan de suivi de la maladie, des prélèvements de peau sont réalisés en lien avec l’école vétérinaire de Toulouse afin d’identifier parmi les animaux séropositifs ceux qui sont très contagieux (PCR+ c’est-à-dire qui présentent un très grand nombre de kystes dans la peau) et de mettre en œuvre une réforme sélective. Lors de la prophylaxie l’hiver suivant, 60 à 70% du cheptel s’est révélé positif à la Besnoitiose.
«Le choix n’a pas été facile, je me suis posé la question de savoir si ça allait fonctionner. Je savais qu’il faudrait du temps pour assainir étant donné la propagation rapide de la maladie dans le troupeau... Et dans mon système d’élevage de veau sous la mère, je ne pouvais pas fonctionner par lot pour faciliter la mise à l’écart des positifs... Je me suis décidé... au début du premier confinement au printemps 2020... quand l’école vétérinaire a fermé... Il m’a donc fallu attendre ! La contamination de mon cheptel s’est amplifiée. Lors de la prophylaxie de l’hiver suivant, quasiment toutes les mères étaient positives, heureusement je n’avais aucun cas sur les veaux. En 2 ans je suis passé de 0 positif à 100 % ! Et d’autres cas cliniques se sont révélés. J’avais peur d’aller dans la stabu pour découvrir de nouvelles malades. J’avais peur d’acheter de nouvelles génisses sachant qu’elles seraient probablement contaminées. Et la maladie avait aussi des incidences sur la fertilité de mes vaches : certaines inséminées se retrouvaient vides... La maladie n’est pas abortive mais les fortes fièvres qu’elle provoque peuvent entraîner des avortements... Bref j’étais coincé, il me fallait me débarrasser de cette maladie. Pas question de faire toute ma carrière avec elle !».
«C’est une maladie grave»
En mars 2021, les prélèvements de biopsies cutanées sont enfin réalisés sur toutes les vaches séropositives du troupeau, par le vétérinaire qui a envoyé les échantillons à l’école vétérinaire de Toulouse. Un chantier d’une demi-journée, encadré par deux éleveurs pour la manutention et un technicien du GDS. Les résultats ont révélé environ une quinzaine d’animaux PCR positifs donc très contagieux que l’éleveur a mis de côté dans un bâtiment à plus de 150 m de distance de sa stabu. «Clairement je ne pouvais pas réformer ces 15 animaux d’un seul coup sur 60 mères. J’ai donc partagé mon troupeau en deux pour écarter les contagieuses. Pen- dant 6 mois, j’ai travaillé avec deux troupeaux, dans deux bâtiments distincts en respectant les mesures d’hygiène. J’ai clôturé le bâtiment pour empêcher le pâturage à proxi- mité des contagieuses... J’ai réalisé des prises de sang sur les vaches non contaminées : tout était OK, j’ai donc acheté 13 génisses en réalisant un pack intro qui incluait la Besnoitiose», se souvient l’éleveur qui se pensait sorti d’affaire.
Mais l’hiver 2022, la prophylaxie a révélé une nouvelle vache séro- positive. «Nous avons donc réalisé un prélèvement de peau qui s’est révélé positif. Je l’ai mise de côté avec celles que je réformais au fil du temps. Ce nouveau résultat a été un coup dur. Je n’avais plus vu de symptômes, plus de cas cliniques, j’avais bon espoir... Et ce cas me faisait craindre une nouvelle contamination dans le lot des animaux sains. Je savais que la maîtrise de la maladie prendrait du temps mais quand même, c’est dur !». Pour autant l’éleveur ne regrette en rien son choix de s’assainir : «La besnoitiose est une maladie grave qui fait des dégâts. Alors aujourd’hui je suis très vigilant dans mon quotidien : quand j’achète des animaux, je réalise systématiquement un pack intro proposé par le GDS Aveyron, j’ai acheté une bétaillère pour assurer moi-même le transport des animaux que j’achète pour ne pas risquer une contamination via le véhicule. J’ai disposé un pédiluve à l’entrée de ma stabu et je donne des sur-bottes à mes visiteurs. Je demande à mes voisins de pâture, les résultats de leurs analyses avant de sortir mes animaux. Ça m’a servi de leçon !», confie l’éleveur.
Depuis le démarrage du plan, il s’est senti encouragé, soutenu dans cette lutte : «J’en suis à la troisième année et je sais que la surveillance va se poursuivre jusqu’à atteindre 100% négatif. Je veux continuer parce que j’ai eu tellement peur, je ne veux pas revivre ça !».
Recueillis par Eva DZ Volonté Paysanne 2 mars 2023.